“Type in process”
Bureau205
Exposition Hors Les Murs, à la Biennale Design Internationale Saint-Etienne, du 4 février au 1er mars 2013

En partenariat avec les entreprises Axal Bureautique, If contemporain, ainsi qu’avec l’ENSBA (Lyon)

À la demande de la galerie Roger Tator, le Bureau 205 constitué de Damien Gautier et Quentin Margat, tous deux graphistes et dessinateurs de caractères, ont transformé la galerie en atelier de travail pour que le processus de création typographique puisse être perçu dans son intégralité.
Cette résidence a eu pour objet le développement d’une police de caractères sur la base des caractères présents sur les plaques de rues afin de déterminer quelle est la persistance des formes typographiques et leurs rapports au temps et à l’architecture, et proposer un ensemble de signes à la fois respectueux de l’histoire et tourné vers des usages contemporains.

Du 14 au 31 mars, cela a donné lieu à une restitution/exposition présentée dans le cadre de la Biennale Internationale Design Saint-Etienne. Bureau 205 a été créé en janvier 2010 par Damien Gautier (cofondateur de Trafik en 1997). Quentin Margat l’a rejoint dès son ouverture.

Bureau 205 est un atelier de communication multi-médias ayant un savoir-faire particulier dans le domaine de la typographie. Au-delà des commandes (identité visuelle, design éditorial, signalétique, scénographie) Bureau 205 développe des polices de caractères et conçoit des ouvrages distribués par les Éditions Deux-Cent-Cinq.

Typographie
{( _________ ) × Temps} x*
(Technique)n


*x étant le créateur de caractères lui-même qui se saisit de chacun de ces paramètres pour proposer sa propre interprétation de la discipline.

L’art du dessin de lettres est une pratique qui, depuis l’apparition de la typographie avec les premiers caractères mobiles, est étroitement liée aux techniques mises en oeuvre pour transposer ces formes dessinées en formes imprimantes. Au fil des siècles, de nombreuses révolutions technologiques ont accompagné la typographie qui continue, aujourd’hui encore, de bénéficier des dernières innovations. Des premières impressions à partir de bois gravés, la typographie utilise ensuite un alliage de plomb1 puis est transposée sur support photographique2 et est finalement traduite en formules mathématiques traduisant des tracés vectoriels3. La création typographique a, par conséquence, subi de nombreux bouleversements. Ses praticiens n’ont eu de cesse de comprendre ces changements, de saisir les atouts de chaque technologie, d’en déceler les faiblesses, d’influencer finalement leurs évolutions et de participer à l’apparition d’une autre technologie plus performante encore.
Le dessin de caractères est, pourtant, une pratique qui a su au fil des siècles se préserver des aléas des technologies (dans le sens où les technologies balbutiantes contraignent et limitent les formes typographiques à un stade rudimentaire) et des turbulences dues au passage de l’une à l’autre. Les formes typographiques ont, certes, évolué sans toutefois se départir de leurs références historiques, si ce n’est pour en démontrer leur domination. Les créateurs de caractères n’ont eu de cesse de se saisir de la technique à leur disposition pour vérifier la validité des formes historiques en les questionnant et en en proposant de nouvelles.

À l’heure de la typographie numérique, les caractères utilisés quotidiennement — qu’ils soient imprimés ou à l’écran — démontrent tout à la fois la résistance des formes et leur nécessaire mutation lorsque celles-ci rencontrent de nouvelles techniques et des nouveaux usages. La typographie, en constante évolution, se régénère constamment en puisant, avec une absolue nécessité, dans ses formes historiques. Nombreux sont les exemples récents de revivals qui, de toute évidence, souhaitent rendre compte d’une histoire et d’une culture, utilisant les dernières innovations technologiques 4 pour rappeler une certaine excellence typographique.

Le propos et les intentions du travail que nous avons entamé dans le cadre d’une résidence à la galerie Tator et présenté dans le cadre de la Biennale internationale design Saint-Étienne, sont donc de questionner le rapport — à première vue contradictoire — entre la persistance et la nécessaire évolution de la typographie au temps et à la technique. Comment la création contemporaine de caractères puise-t-elle dans l’histoire de la discipline pour assurer sa pérénnité tout en regardant chaque technique nouvelle comme un atout pour renouveler ces mêmes formes et répondre à des usages actuels ? L’enjeu de ce travail est aussi de rendre compte du processus de création d’une police de caractères à l’heure où la typographie est à disposition de tous. C’est à partir des plaques de rue, si présentes que l’on n’y prête pas ou peu attention, que débuta ce travail. Pourtant, à y regarder de plus près, celles-ci représentent un patrimoine typographique réel qui peut disparaître si l’on s’en tient à ces plaques banalisées installées dans les nouveaux quartiers ou lorsque la rénovation urbaine pense des plaques flambant neuves, à la typographie sans histoire, pourrait judicieuses se substituer aux précédentes.
L’ambition est de relever les spécificités typographiques des plaques vernaculaires et de développer un programme typographique qui questionne d’une part, la relation entre patrimoine et nécessaire inscription dans le temps présent et d’autre part, le rapport entre typographie, architecture et urbanisme.


1. L’invention de la typographie par l’intermédiaire de caractères mobiles est attribuée à Gutenberg vers 1450. Plusieurs générations de machines utilisant ces caractères se sont succédées ou côtoyées entraînant parfois des adaptations spécifiques. Nous citerons, entre autres, les machines Linotype dans les années 1880 et Monotype.

2. Dans les années 1970, la photocomposition utilisant le procédé photographique a rapidement remplacé les caractères en plomb. Cette technique, ici encore associée à plusieurs générations de machines ayant chacune leur spécificité et atout, a permis de nombreuses expérimentations formelles, auparavant inenvisageables.

3. L’apparition des premiers micro-ordinateurs dans les années 1960 et leur démocratisation dans les années 1980, notamment grâce aux Macintoshs largement utilisés par les créateurs de caractères, a rapidement eu pour conséquence la disparition de la photocomposition avec le développement de la typographie numérique dont le dessin s’est logiquement ouvert à un plus large public, permettant de nouvelles expérimentations.

4. L’apparition du format OpenType a permis le développement de polices de caractère étendues jusqu’à faire revivre des signes typographiques qui avaient disparu au temps de la photocomposition.



Bureau 205
Damien Gautier, Quentin Margat


Photos © Bureau205