“Spinkle Water on the Web”
Hannah Waldron
Exposition du 7 avril au 26 mai 2023
Conférence à l’Ensba, le mercredi 5 avril
[FR] 

La toile est collante
La coquille est brillante
J’y vois tout
Les néophytes
Les vagabonds en haillons
Un amanuensis volage, des brins d’herbe bien serrés
Des flammes cisaillées, disséquées et filées
C’est ici que les choses se passent, ici que le monde se gagne

L’aube se craquèle sur les duvets. Pissenlit et bardane.
Des gouttes de rosée s’accrochent aux tiges et se dirigent lentement vers le sud, ruisselant jusqu’à ce que, comme le soleil sur la peau, elles fusionnent avec la terre impatiente.

Creuser dans l’humidité jusqu’à la deuxième articulation, puis plus loin, encore plus loin. Ce n’est qu’une fois les coudes enfoncés dans la crasse que l’on saisit pleinement la racine.
C’est ici que les choses commencent, que le monde naît.
Au-dessus, un clic-clac hésitant et imprévisible. Des membres enchevêtrés glissent sur la surface, un métronome qui s’enroule en spirale vers l’arrêt puis une mort douce. Il se déroule, comme une vieille carte lancée sur une table dont le bois vient d’on ne sait où.

Nous avons assisté à la coupe d’un mât. Planté six générations auparavant, la première génération a cousu, la sixième a coupé. Les autres, les oreilles assez proches pour entendre l’écorce remonter vers le nord, gardiens attentifs du temps qui passe. Tandis que la boue s’écoule sous nos pieds, barattée par les pluies incessantes d’un hiver de Cornouailles, quelque part là bas, profondément sous les eaux sales, sous tout cela, des sourires complices s’épanouissaient sur des joues pourries depuis longtemps ; le soin apporté n’avait pas été vain.

Ils ne savaient pas et nous ne savions pas où irait ce bois, mort et pas mort à la fois, qui bientôt ne ferait qu’un avec les vagues, l’eau, les embruns et l’étendue. Se faufilant, errant et à nouveau à la verticale.

C’est une toile corybantique
Dans laquelle le monde est vécu.

Traduction française du texte de Charlie Duck, mars 2023


[EN] 

The web is sticky
The shell is shiny
In it I can see everything
Neophytes
Tatterdemalions
A flighty amanuensis, blades of grass clutched tight
Flames scissored, dissected and spun
It is here that things happen, here that the world is won

Daybreak cracking over fine hairs. Dandelion and burdock. Drops of dew, hugging stems as slowly they wend southwards, trickling until, like sun on skin, they fuse with eager soil.

Dig down damp to the second knuckle and further and further still. Only when elbows deep in the filth is the root fully grasped. It is down here that things begin, down here that the world is born. Above, a skittish click-clack. Wisped limbs slip across the surface, a metronome that spirals towards first cessation and then soft demise. It unspools, like an old map hurled across a table whose wood comes from who knows where.

We saw a mast being cut. Planted six generations prior, the first generation sewed, the sixth generation cut. Those others, ears close enough to hear the bark creep northwards, watchful custodians in step with the passage of time. As the mud squelched underfoot, churned by the endless rains of a Cornish winter, somewhere down there, deep beneath the slop, deep beneath it all, knowing smiles unfurled across long-rotten cheeks; the tending hadn’t been in vain. They knew not and we knew not where this wood, dead but not, would go, soon to make bedfellows of waves, water, spray and sprawl. Wending, wandering and plumb once more.

It is a corybantic web
In which the world is lived.

Charlie Duck, March 2023



Hannah Waldron, née à Londres en 1984, vit et travaille à Falmouth, en Cornouailles. Elle est diplômée d’un BA en illustration à l’Université de Brighton, a travaillé en tant qu’illustratrice freelance pendant 10 ans, puis dès 2018 a rejoint l’équipe du MA Illustration de l’Université de Falmouth (Cornouailles). En parallèle, elle s’est peu à peu tournée vers le design textile, suite à l’obtention d’un nouveau MA à Konstfack (Suède), en 2014. Ses recherches actuelles se focalisent sur le potentiel narratif du textile, au travers d’une pratique protéiforme : dessin, tissage, sculpture et installation. Dans un rapport enjoué et espiègle au faire, chaque série est l’occasion de développer une nouvelle grammaire visuelle et formelle, qui véhicule des narrations individuelles et collectives. Hannah Waldron expose régulièrement à l’échelle internationale : Fotokino, Marseille, Le Signe, Chaumont, Salon Del Mobile, Milan (italie), Dutch Design Week, Eindhoven (Pays-Bas), London Design Festival, Londres (Royaume-Uni), Observatoriesmuset, Stockholm (Suède), Nui, Tokyo (Japon)...
Elle a remporté de nombreux prix, dont le HAY award au Danemark, le Irene Davies award en Australie, et plus récemment elle a pu bénéficier de la bourse de la Queen Elizabeth Scholarship Trust. Elle compte parmis ses clients et collaborateurs, le V & A museum, Herman Miller, The New York Times, Paul Smith, Wallpaper*, IKEA, Graphic Thought Facility, NIKE, Edinburgh Arts Festival, Penguin Random House ...



Photos 1 à 3, 5, 7, 9, 11 à 13, 17, 18, 20 et 21 © Frédéric Houvert
Photos 4, 6, 8, 10, 14 à 16 et 19 © Galerie Tator