Simon Mercier
Résidence du 4 janvier au 31 mars 2021
Simon Mercier est diplômé de l’ÉSAD Valence en design graphique. Sa pratique tente d'interroger le rôle du designer graphique dans les images et les mots qu'il participe à transmettre, et l'amène à se tourner vers des domaines comme la sociologie ou l’urbanisme. Préoccupé par les mutations intenses issues de la promotion immobilière, de la planification urbaine et de la gentrification dont la zone voisine de Gerland (Lyon 7e) est l'objet, il saisit l’occasion de sa résidence à la Factatory pour partir à la rencontre de différents collectifs militants du quartier (habitants, associatifs, architectes, urbanistes, jardiniers...) et donner lieu à des entretiens à propos de leur relation à la ville. En parallèle, il consulte une documentation d'archives historiques et scientifiques et il photographie minutieusement plusieurs typologies de lieux, portant les traces des changements en cours et à venir : constructions récentes, chantiers, matériaux, marquages au sol de voirie… Les retranscriptions des entretiens et les images collectées seront rassemblées au sein d’une auto-édition actuellement en cours de réalisation.
“Je me suis installé à Lyon en 2019, dans le 7e arrondissement. À ce jour, je ne connais pas cette ville ni ses habitants. Depuis deux ans, c’est surtout un endroit dans lequel je me suis déplacé pour acheter à manger ou du matériel de travail, prendre le train, aller étudier ailleurs, etc. J’ai une relation plutôt fonctionnelle à cette ville et ses rues. Je n’y participe pas, je ne m’y exprime pas, je ne la comprends pas, je n’en connais pas vraiment l’histoire, j’y suis étranger. Je n’en retiens que vaguement les rues et encore moins leurs noms. Je les traverse sans vraiment les regarder.
Parfois j’ai plus le temps de m’y balader. Lorsque je m’y attarde, j’aime observer les époques et les générations précédentes que racontent les murs et les façades, écouter la vie quotidienne du passé raisonner avec l’activité ordinaire du présent des gens autour de moi.
Les bruits, les visages et les histoires de la ville me la rendent plus familière, plus accessible, moins inconnue. Certains quartiers me sont plus immédiatement accessibles que d’autres. Ils dégagent quelque chose de familier, une atmosphère simple, directe et sans fioriture. En quelques pas, ils sont bourrus, taiseux, silencieux, ou au contraire exaltés, extravertis, turbulents, tourbillonnants. Chacun semble libre d'y être comme il l'entend et d'y avoir sa place. Ce n’était pas directement la raison pour laquelle j’ai emménagé dans le 7e arrondissement. Mais c’est un des aspects parmi les principaux à me donner envie d’y rester et m'y habituer. Si la majorité du 7e possède cette vie et ces atmosphères, il faudrait ajouter qu’un grand fragment dans sa moitié sud ne les abrite plus. De très larges surfaces construites au cours des deux derniers siècles, auparavant dédiées à l’industrie, sont actuellement en chantier.
Dans une tempête de béton armé, les gravats de ces espaces en friche laissent place à des hectares de bâtiments neufs, lisses, amnésiques. En pratiquant une remise à zéro par la feuille blanche, la planification de Gerland rend impossible toute tentative d’entendre la mémoire des lieux ou d’en deviner les usages et les articulations. Les rues neuves ne se prêtent pas à contempler du regard, à penser, à observer. Ce sont de longs couloirs lisses reliant un réseau plus grand dans lequel se déplacent indistinctement les flux, les consommables, les individus, selon une pensée de la ville dédiée aux mouvements des gens au gré de l'argent.
Au bord de cette éxécution urbaniste traditionnelle, plusieurs voix tentent d'exprimer d'autres perceptions de la ville, des perspectives par lesquelles l’humain se change en changeant l’urbain. La ville comme œuvre sociale et collective. Cette appropriation de la ville par les habitants, elle se perçoit déjà dans les usages qu’iels inventent, partagent et vivent.
La ville n'est pas neutre. Elle reflète les enjeux et les rapports de force sociaux à chaque instant de son quotidien, aussi banal et ordinaire soit-il. Parmi les nombreux espaces lyonnais qui font l'expérience oppressive et déséquilibrée des forces se jouant actuellement, ma proximité avec Gerland en fait un théâtre me confrontant physiquement à ses opérations les plus vives.
La forme de la résidence artistique me semble aussi nécessaire que totalement appropriée à réfléchir, questionner, interroger et expérimenter ce qu'un sujet peut susciter. La Factatory était l'occasion idéale pour mener cette recherche avec Gerland. Pendant trois mois, de janvier à mars 2021, je suis allé à la rencontre de différents collectifs d’habitants. Nous avons mené ensemble des conversations au cours desquelles nous parlons de leur lien avec Gerland, de leurs initiatives et des implications et interactions que ces actions proposent avec la rue, l’espace public et celleux qui y habitent.”
Introduction de l’édition “Habitant?”, en cours de réalisation, Simon Mercier, 2021.
Interview filmée de Simon Mercier, réalisée par Marion Renard
https://files.cargocollective.com/.../MerciersSimon...
Photos 1 & 2 © Galerie Tator
Photo 3 © Atelier Chalopin
Photo 4 © Simon Mercier
“Je me suis installé à Lyon en 2019, dans le 7e arrondissement. À ce jour, je ne connais pas cette ville ni ses habitants. Depuis deux ans, c’est surtout un endroit dans lequel je me suis déplacé pour acheter à manger ou du matériel de travail, prendre le train, aller étudier ailleurs, etc. J’ai une relation plutôt fonctionnelle à cette ville et ses rues. Je n’y participe pas, je ne m’y exprime pas, je ne la comprends pas, je n’en connais pas vraiment l’histoire, j’y suis étranger. Je n’en retiens que vaguement les rues et encore moins leurs noms. Je les traverse sans vraiment les regarder.
Parfois j’ai plus le temps de m’y balader. Lorsque je m’y attarde, j’aime observer les époques et les générations précédentes que racontent les murs et les façades, écouter la vie quotidienne du passé raisonner avec l’activité ordinaire du présent des gens autour de moi.
Les bruits, les visages et les histoires de la ville me la rendent plus familière, plus accessible, moins inconnue. Certains quartiers me sont plus immédiatement accessibles que d’autres. Ils dégagent quelque chose de familier, une atmosphère simple, directe et sans fioriture. En quelques pas, ils sont bourrus, taiseux, silencieux, ou au contraire exaltés, extravertis, turbulents, tourbillonnants. Chacun semble libre d'y être comme il l'entend et d'y avoir sa place. Ce n’était pas directement la raison pour laquelle j’ai emménagé dans le 7e arrondissement. Mais c’est un des aspects parmi les principaux à me donner envie d’y rester et m'y habituer. Si la majorité du 7e possède cette vie et ces atmosphères, il faudrait ajouter qu’un grand fragment dans sa moitié sud ne les abrite plus. De très larges surfaces construites au cours des deux derniers siècles, auparavant dédiées à l’industrie, sont actuellement en chantier.
Dans une tempête de béton armé, les gravats de ces espaces en friche laissent place à des hectares de bâtiments neufs, lisses, amnésiques. En pratiquant une remise à zéro par la feuille blanche, la planification de Gerland rend impossible toute tentative d’entendre la mémoire des lieux ou d’en deviner les usages et les articulations. Les rues neuves ne se prêtent pas à contempler du regard, à penser, à observer. Ce sont de longs couloirs lisses reliant un réseau plus grand dans lequel se déplacent indistinctement les flux, les consommables, les individus, selon une pensée de la ville dédiée aux mouvements des gens au gré de l'argent.
Au bord de cette éxécution urbaniste traditionnelle, plusieurs voix tentent d'exprimer d'autres perceptions de la ville, des perspectives par lesquelles l’humain se change en changeant l’urbain. La ville comme œuvre sociale et collective. Cette appropriation de la ville par les habitants, elle se perçoit déjà dans les usages qu’iels inventent, partagent et vivent.
La ville n'est pas neutre. Elle reflète les enjeux et les rapports de force sociaux à chaque instant de son quotidien, aussi banal et ordinaire soit-il. Parmi les nombreux espaces lyonnais qui font l'expérience oppressive et déséquilibrée des forces se jouant actuellement, ma proximité avec Gerland en fait un théâtre me confrontant physiquement à ses opérations les plus vives.
La forme de la résidence artistique me semble aussi nécessaire que totalement appropriée à réfléchir, questionner, interroger et expérimenter ce qu'un sujet peut susciter. La Factatory était l'occasion idéale pour mener cette recherche avec Gerland. Pendant trois mois, de janvier à mars 2021, je suis allé à la rencontre de différents collectifs d’habitants. Nous avons mené ensemble des conversations au cours desquelles nous parlons de leur lien avec Gerland, de leurs initiatives et des implications et interactions que ces actions proposent avec la rue, l’espace public et celleux qui y habitent.”
Introduction de l’édition “Habitant?”, en cours de réalisation, Simon Mercier, 2021.
Interview filmée de Simon Mercier, réalisée par Marion Renard
https://files.cargocollective.com/.../MerciersSimon...
Photos 1 & 2 © Galerie Tator
Photo 3 © Atelier Chalopin
Photo 4 © Simon Mercier