“Parc d’activité”
Niek van de Steeg
Niek van de Steeg
Exposition du 6 septembre au 8 novembre 2013
Avec le concours de SIKKENS SOLUTIONS, société du groupe AKZO NOBEL.
Avec le concours de SIKKENS SOLUTIONS, société du groupe AKZO NOBEL.
« Parc d’activité », première exposition personnelle de l’artiste Niek van de Steeg à la galerie Tator. Pour l’occasion, il
présente une installation constituée d’un ensemble de pièces : peintures, dessins et céramiques.
« Quelques indices à l’usage d’un visiteur du Parc d’activité »
Le plus souvent implanté dans des zones périurbaines ou semi-rurales, les parcs d’activité sont des terrains que les collectivités territoriales s’accordent à réserver au développement économique. Les règles qui en régissent l’usage sont déterminées par une entente symbolique entre les pouvoirs publics et le monde de l’entreprise déclinée à travers une série de partenariats contractuellement fixés. Par sa relégation, le parc entend déployer des activités industrielles et commerciales depuis des espaces tenus accessibles et, de fait, maintenus à des tarifs défiant toute concurrence, dans le respect le plus strict des ambitions de croissance de chacune des parties. Les ZI et ZA et autres terminologies efficaces permettent de différencier les actions qui s’y développent. Elles sont tout autant des indicateurs consensuels permettant d’évaluer le type de réglementation en exercice au sein du territoire : équilibres précaires maintenus entre, d’un côté, les pollutions environnementales et leurs risques sanitaires à long terme, de l’autre, des emplois et le profit immédiat. Ce qui dans les autres zones engagerait des prises de position et des partis pris forts est ici évacué, le réalisme survit à tout débat.
A l’image de ces zones au sein desquelles des principes d’interdépendances ont pu être fixés, les œuvres de Niek van de Steeg fonctionnent selon des modalités inspirées de certaines structures sociétales. Elles interviennent comme des modèles convoqués en dehors de la sphère artistique sans pour autant se formaliser par des illustrations mal engagées.
Voilà peut-être un premier éclairage permettant d’élucider le choix du titre de l’exposition : Parc d’activité. Car, si l’on s’en réfère à Jean-Marc Poinsot, l’exposition est tout autant un espace traversé des consensus dans lequel chacun s’accorde à désigner comme art tous les « objets » qui y seraient présentés. Ces glissements sémantiques sont ici maîtrisés.
Placé au cœur de l’accrochage, sans pour autant avoir valeur de manifeste, on découvre le film Running matter and Yellow cake réalisé par l’artiste en 2011. On y voit Niek van de Steeg lui-même. Il court en étant filmé depuis l’arrière d’un véhicule qui traverse le parc d’activité Michel Chevalier, nom d’un ingénieur du corps des Mines devenu homme politique : « Les grands hommes et femmes sont autant de matière première... ». Situé dans le Languedoc Roussillon tout près de Lodève, le parc, précédemment exploité à des fins d’extraction d’uranium, a été reconverti en zone d’activité économique multiple et ce malgré la présence des minerais et de leurs pollutions encore présentes du fait de leurs exploitations. Ici Niek van de Steeg procède à un travail aux caractéristiques à la fois tautologiques et dialogiques : l’artiste fait le récit d’un film dont il est l’acteur principal. En même temps que le film se tourne, il est imbriqué dans un commentaire qui énonce son devenir- oeuvre. Elle produit son versant didactique et dialectique, confronte le discours à ses coordonnées physiques et géographiques et déploie des principes de vérification indicielle. De plus, Running matter and Yellow cake met le corps en exercice et fait usage de cette matière première contenue dans l’artiste lui-même, tout ce dont l’individu est capable d’exploiter est mis à profit du film et laisse volontairement transparaître les logiques de production à l’oeuvre. En effet, les structures que l’artiste échafaude trouvent souvent des modes d’existence autonomes, dont la dynamique engendre d’autres travaux. Ainsi, chacun est pris dans une narration spéculative qui le fait exister autrement que comme objet. Pendant sa course, Niek imagine l’installation sur le site de sa Maison de la Matière Première ainsi que ses conditions de réalisation dans un tel contexte.
Si le film énonce clairement un corpus de recherche dont l’artiste s’est investi sur la question des matériaux et leur mode d’exploitation, la suite de l’exposition en décline d’autres aspects.
Dans l’entrée de la galerie, Niek a placé une table d’orientation du parc. Peinture quelque peu abstraite, elle indique métaphoriquement, quelques chemins de lecture. Mais c’est aussi une façon de qualifier des perspectives en germe dans toute l’articulation de l’accrochage, car une circulation dans la pluralité des points de vue doit être considérée. Alors qu’une contamination idéologique aux effets radiants viendrait trop aisément couvrir la complexité discursive contenue dans chaque problématique, Niek engage des rapprochements intimes avec le visiteur par l’emploi de matières sensuelles au savoir-faire séduisant. Les céramiques, de grès, gravées selon la technique de l’engobe noir, les petites pièces aux paysages émaillés et autres faïences dévoilent formes et images qui replacent la condition du territoire dans sa valeur artistique.
Avec les Céramicibles, l’exposition prend de la hauteur, les cercles placés au mur dessinent les contours de cratères, sculptures naturelles desquelles un observatoire pourrait être inauguré (clin d’oeil adressé au volcan de James Turell), tandis que les running fences, pour ne pas nommer Christo, côtoient les images des sculptures de Niek. Un assemblage anachronique dans lequel se mêlent tout un répertoire de références qui agissent par intrusion dans le domaine plastique sans souscrire à leur déterminisme. Et viennent réévaluer de façon astucieuse, les rapports d’échelle qui viendraient contingenter les objets de la pensée.
Estelle Nabeyrat, septembre 2013.
Estelle Nabeyrat est une curatrice et critique d’art franco-allemande basée à Paris. Diplômée de la Sorbonne en Histoire de l’art et archéologie puis de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, elle a également suivi des études de Cultural Studies à l’Université de Leipzig (Allemagne) ainsi qu'à l'Ecole du Magasin, formation curatoriale. En 2003, elle a travaillé à l'Académie des Beaux-arts de Vienne (Autriche) en tant qu’assistance de la professeur-curatrice Ute Meta Bauer. Elle a ensuite rejoint l’Ecole des Beaux Arts de Lyon où elle a travaillé de 2003 à 2008 comme Chargée des affaires internationales et coordinatrice du Post-diplôme. Puis elle a travaillé comme directrice des études de l’Ecole de l’art et du design de Reims.
Elle a été curatrice de plusieurs expositions en France, en Allemagne et aux Etats-Unis. Elle écrit aussi régulièrement pour différentes revues (art press, L’art même, Zérodeux, Kaleidoscope, Code, La belle revue, ...) et catalogues (Dynasty, MAM Paris, Leïla Brett...). En 2009, elle reçoit la « Brown Fellowship » du Musée des Beaux Arts de Houston avant d'être curatrice en résidence au Pavillon du Palais de Tokyo (2010-11). Egalement résidente à Capacete Rio de Janeiro en 2011, elle entame un travail de recherche sur "Art et anthropophagie" qu'elle poursuit au Brésil en 2012-13 grâce à l'allocation du Cnap pour les théoriciens-critiques. Elle rédige actuellement une thèse sur le "Re-enactment d'événements historiques".
www.niekvandesteeg.art
Photos © Emilien Adage
« Quelques indices à l’usage d’un visiteur du Parc d’activité »
Le plus souvent implanté dans des zones périurbaines ou semi-rurales, les parcs d’activité sont des terrains que les collectivités territoriales s’accordent à réserver au développement économique. Les règles qui en régissent l’usage sont déterminées par une entente symbolique entre les pouvoirs publics et le monde de l’entreprise déclinée à travers une série de partenariats contractuellement fixés. Par sa relégation, le parc entend déployer des activités industrielles et commerciales depuis des espaces tenus accessibles et, de fait, maintenus à des tarifs défiant toute concurrence, dans le respect le plus strict des ambitions de croissance de chacune des parties. Les ZI et ZA et autres terminologies efficaces permettent de différencier les actions qui s’y développent. Elles sont tout autant des indicateurs consensuels permettant d’évaluer le type de réglementation en exercice au sein du territoire : équilibres précaires maintenus entre, d’un côté, les pollutions environnementales et leurs risques sanitaires à long terme, de l’autre, des emplois et le profit immédiat. Ce qui dans les autres zones engagerait des prises de position et des partis pris forts est ici évacué, le réalisme survit à tout débat.
A l’image de ces zones au sein desquelles des principes d’interdépendances ont pu être fixés, les œuvres de Niek van de Steeg fonctionnent selon des modalités inspirées de certaines structures sociétales. Elles interviennent comme des modèles convoqués en dehors de la sphère artistique sans pour autant se formaliser par des illustrations mal engagées.
Voilà peut-être un premier éclairage permettant d’élucider le choix du titre de l’exposition : Parc d’activité. Car, si l’on s’en réfère à Jean-Marc Poinsot, l’exposition est tout autant un espace traversé des consensus dans lequel chacun s’accorde à désigner comme art tous les « objets » qui y seraient présentés. Ces glissements sémantiques sont ici maîtrisés.
Placé au cœur de l’accrochage, sans pour autant avoir valeur de manifeste, on découvre le film Running matter and Yellow cake réalisé par l’artiste en 2011. On y voit Niek van de Steeg lui-même. Il court en étant filmé depuis l’arrière d’un véhicule qui traverse le parc d’activité Michel Chevalier, nom d’un ingénieur du corps des Mines devenu homme politique : « Les grands hommes et femmes sont autant de matière première... ». Situé dans le Languedoc Roussillon tout près de Lodève, le parc, précédemment exploité à des fins d’extraction d’uranium, a été reconverti en zone d’activité économique multiple et ce malgré la présence des minerais et de leurs pollutions encore présentes du fait de leurs exploitations. Ici Niek van de Steeg procède à un travail aux caractéristiques à la fois tautologiques et dialogiques : l’artiste fait le récit d’un film dont il est l’acteur principal. En même temps que le film se tourne, il est imbriqué dans un commentaire qui énonce son devenir- oeuvre. Elle produit son versant didactique et dialectique, confronte le discours à ses coordonnées physiques et géographiques et déploie des principes de vérification indicielle. De plus, Running matter and Yellow cake met le corps en exercice et fait usage de cette matière première contenue dans l’artiste lui-même, tout ce dont l’individu est capable d’exploiter est mis à profit du film et laisse volontairement transparaître les logiques de production à l’oeuvre. En effet, les structures que l’artiste échafaude trouvent souvent des modes d’existence autonomes, dont la dynamique engendre d’autres travaux. Ainsi, chacun est pris dans une narration spéculative qui le fait exister autrement que comme objet. Pendant sa course, Niek imagine l’installation sur le site de sa Maison de la Matière Première ainsi que ses conditions de réalisation dans un tel contexte.
Si le film énonce clairement un corpus de recherche dont l’artiste s’est investi sur la question des matériaux et leur mode d’exploitation, la suite de l’exposition en décline d’autres aspects.
Dans l’entrée de la galerie, Niek a placé une table d’orientation du parc. Peinture quelque peu abstraite, elle indique métaphoriquement, quelques chemins de lecture. Mais c’est aussi une façon de qualifier des perspectives en germe dans toute l’articulation de l’accrochage, car une circulation dans la pluralité des points de vue doit être considérée. Alors qu’une contamination idéologique aux effets radiants viendrait trop aisément couvrir la complexité discursive contenue dans chaque problématique, Niek engage des rapprochements intimes avec le visiteur par l’emploi de matières sensuelles au savoir-faire séduisant. Les céramiques, de grès, gravées selon la technique de l’engobe noir, les petites pièces aux paysages émaillés et autres faïences dévoilent formes et images qui replacent la condition du territoire dans sa valeur artistique.
Avec les Céramicibles, l’exposition prend de la hauteur, les cercles placés au mur dessinent les contours de cratères, sculptures naturelles desquelles un observatoire pourrait être inauguré (clin d’oeil adressé au volcan de James Turell), tandis que les running fences, pour ne pas nommer Christo, côtoient les images des sculptures de Niek. Un assemblage anachronique dans lequel se mêlent tout un répertoire de références qui agissent par intrusion dans le domaine plastique sans souscrire à leur déterminisme. Et viennent réévaluer de façon astucieuse, les rapports d’échelle qui viendraient contingenter les objets de la pensée.
Estelle Nabeyrat, septembre 2013.
Estelle Nabeyrat est une curatrice et critique d’art franco-allemande basée à Paris. Diplômée de la Sorbonne en Histoire de l’art et archéologie puis de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, elle a également suivi des études de Cultural Studies à l’Université de Leipzig (Allemagne) ainsi qu'à l'Ecole du Magasin, formation curatoriale. En 2003, elle a travaillé à l'Académie des Beaux-arts de Vienne (Autriche) en tant qu’assistance de la professeur-curatrice Ute Meta Bauer. Elle a ensuite rejoint l’Ecole des Beaux Arts de Lyon où elle a travaillé de 2003 à 2008 comme Chargée des affaires internationales et coordinatrice du Post-diplôme. Puis elle a travaillé comme directrice des études de l’Ecole de l’art et du design de Reims.
Elle a été curatrice de plusieurs expositions en France, en Allemagne et aux Etats-Unis. Elle écrit aussi régulièrement pour différentes revues (art press, L’art même, Zérodeux, Kaleidoscope, Code, La belle revue, ...) et catalogues (Dynasty, MAM Paris, Leïla Brett...). En 2009, elle reçoit la « Brown Fellowship » du Musée des Beaux Arts de Houston avant d'être curatrice en résidence au Pavillon du Palais de Tokyo (2010-11). Egalement résidente à Capacete Rio de Janeiro en 2011, elle entame un travail de recherche sur "Art et anthropophagie" qu'elle poursuit au Brésil en 2012-13 grâce à l'allocation du Cnap pour les théoriciens-critiques. Elle rédige actuellement une thèse sur le "Re-enactment d'événements historiques".
www.niekvandesteeg.art
Photos © Emilien Adage