Leïla Brett
Résidence du 3 janv. au 28 fév., puis du 4 avril au 30 juin 2022

Leïla Brett, artiste plasticienne, diplômée de l’ESADMM (École Supérieure d’Art & de Design Marseille Méditerranée) développe principalement une pratique de dessin monochrome sur papier, qui s’inscrit dans une démarche protocolaire et à long terme. Ses préoccupations sont le motif, la répétition de ce motif jusqu’à sa disparition, l’acte même de faire, à la main, la variation et parfois l’erreur, le temps du faire ou de l’effacement ; des procédés simples (recouvrement, découpe, copie, ponçage), avec parfois un texte en filigrane.

En janvier et février 2022, elle a investi le grand module et a pu profiter de cet espace pour reprendre un projet de grands dessins au graphite et au pastel à l’huile, mis de côté depuis plusieurs années. Son rythme de travail, assidu, a permis de terminer une œuvre (310 x 130 cm) et d’en entamer une autre (100 x 200 cm). Elle a également amorcé deux autres projets, dont les contours ont été esquissés.

Durant sa seconde session de début avril à fin juin, Leïla a décidé de réaliser un grand dessin mural sur la totalité d’un des murs du grand module.

Au départ, l’envie est venue de remplir toute la surface de ce mur de 3 m par 6, avec des fusains que je conservais depuis de trop nombreuses années, et d’y mêler la cendre issue de la combustion de végétaux secs prélevés sur le site de la Factatory. J’ai posé deux papiers blancs de grands formats qui reprennent les dimensions de deux tableaux de John Constable Le Moulin de Stratford (1820) et L’Écluse (1824)*. Le geste de recouvrement est proche d’une écriture. Les lignes en boustrophédon partent du bas du mur et de remontent jusqu’au plafond, alternant des noirs très opaques, au brun, en passant par des gris cendrés peu couvrants. Le tout est estompé à la main.

Comme dans toute expérimentation, il a fallu s’ajuster et accueillir le hasard. Le travail d’estompe à la main nue s’est avéré vite douloureux et le recours au gant a permis d’autres gestes et a introduit d'autres rythmes dans le dessin. Puis est venue l’utilisation des pigments des pétales de fleurs présentes dans le jardin de la Factatory : en avril, les coquelicots jaunes, orangés et rouges, puis en mai, les fleurs séchées des iris, puis en juin, les mauves, les millepertuis et autres vivaces qui avait séchées.

Quand l’intégralité du mur a été rempli, Leïla a retiré les deux papiers, créant ainsi une réserve de blanc, une ouverture dans ce paysage suggéré.

Pour sa dernière restitution, Leïla a intégré deux œuvres anciennes de la série Nuances dans cette sédimentation, dont une, reprise au dernier moment, afin de créer une superposition de surfaces et une compilation de gestes : ceux du mural bien présentes et ceux des Nuances, infra visibles.


* Ces deux tableaux sont reproduits dans un livre qui m’accompagne depuis 2016 dans ma réflexion sur le paysage : Ciel et terre et ciel et terre, et ciel de Jacques Roubaud, Catherine Flohic Éditions, 1993.



http://leilabrett.fr


Photos © Leïla Brett, ADAGP, Paris, 2022.