Guillaume Adjutor Provost
Résidence du 7 fév. au 1er avril 2022

Guillaume Adjutor Provost, artiste plasticien pluridisciplinaire Québéquois (Canada), s’intéresse de près au format de l’exposition, des collections et des rendus textuels, au travers desquels il aborde des thématiques comme la conscience de classe, la contre-culture, ou l’imagerie vernaculaire, pour mieux questionner les discours historiques dominants.

Il fut invité en résidence à la Factatory, dans le cadre de sa participation au programme MacSUP Planet, mis en place et piloté par le Musée d’art contemporain de Lyon, les Universités Lumières Lyon1, Lyon3, l’Ens, l’Insa, l’Ensba et l’EMLyon.

Les œuvres qui constituent la série “Table des matières” ont été réfléchies en référence à l’imagerie populaire issue de livres imagés, d’affiches ou de journaux. Plus particulièrement, l’image du rat/souris est interprétée comme représentation du prolétariat, des vagues migratoires et de l’urbanisation pendant l’industrialisation en Occident. Dans l'imaginaire collectif le rat et la peste sont indissociables. Une idée que l’on peut retracer à Apollon surnommé le dieu des rats. Ce rongeur comme nuisible est aussi comparé à un étranger qu’il faut chasser avant qu’il ne s’installe et se multiplie. Cette comparaison s’applique autant aux communautés traversant les frontières que celles passant des campagnes aux villes. Une métaphore maintes fois reprise pour stigmatiser certaines communautés. "On va retrouver cet imaginaire du rat, dans les années 1920, 1930, 1940, dans la représentation que font les antisémites des Juifs. C'est clairement mentionné dans la presse d’extrême droite : "ses oreilles de rats", "ses queues de rats"… On d'ailleurs continue à le ressentir aujourd’hui. Il n’y a pas si longtemps, on a eu des responsables politiques, qui en parlant des Roms parlaient de rats. C’est cette même idée, l’idée de population nuisible, d'envahisseurs, qu’il faut détruire" (Zyneb Dryef, 2015, Dans les murs).

Par accumulation, les œuvres réalisées font usage de dessins à la plume de rats anthropomorphiques traversés d’émotions : défiance, tristesse, supplication, dédain. Davantage, ces états émotifs semblent surgir de la relation entre le rat et sa conscience de classe, entre les haillons paysans ou les habits bourgeois qui le transforme en arriviste. Les dessins originaux — guère plus grands qu’un timbre poste — prennent ici une échelle quasi humaine. L’application libre de la teinture naturelle produit un effet de diffusion, comme si l’image avait été brûlée sur le support. Au sol, deux sculptures reprennent de manière oblique les codes des œuvres picturales. Sel de la terre est produite à partir de sacs en chanvre du 19ème siècle. En portant attention aux multiples réparations qui couvrent les sacs, nous faisons apparaître toutes les personnes qui ont prolongé la vie utile de ces objets. Le contraste entre la fibre naturelle du chanvre et les strass reconduit cette tension entre ce qui est modeste et ce qui se donne en spectacle. Pareille approche pour Death Culture Dreamed into Existence où une quinzaines de mouchoirs ayant appartenus à autant d’individus ont été additionnés d’un motif de rat répété, pliés avec attention, puis retenus dans une “cage” en chaînes d’argent.

Guillaume Adjutor Provost, avril 2022.


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Photos © Guillaume Adjutor Provost