Collectif Belle de Nuit (Alice Martin, Loona Sire, Clélia Berthier, Claire Amiot)
Résidence du 2 mars au 30 avril 2022

Depuis 2020, Claire Amiot, Clélia Berthier, Alice Marie Martin et
Loona Sire forment le collectif Belle de Nuit, nommé d’après une
fleur invasive qui s’ouvre à la tombée de la nuit. Les belles de nuit se
répandent dans les jardins et sont invisibles jusqu’au crépuscule.
Animées par la notion de sororité, la collaboration, une appétence
commune pour la matière et la phénoménologie poétique, ce
collectif est né de l’amitié qui les unit. Leur travail a été présenté au MAT-Centre d’art contemporain du pays d’Ancenis, après une résidence à la Maison Julien Gracq en juillet 2021, à Liège dans le cadre du parcours d’exposition Art au Centre ainsi qu’à l’espace d’art contemporain Bikini à Lyon.

“Si ta vie pouvait changer demain, aimerais-tu savoir à quoi elle ressemblera ou préfères-tu divaguer vers l'incertitude ?”

Aujourd'hui, je suis anxieuse à l'idée de me rendre à un dîner avec des ami·e·s que je n'ai pas vu depuis deux ou trois ans. Je pense déjà à mes réponses lorsqu'iels me demanderont ce que je deviens. Je m'applique à trouver les raisons qui m'empêchent d'être la femme que j'incarne en rêve.

“Es-tu heureuse ? As-tu déjà des regrets ? Pourrais-tu être une meilleure personne ? N'es-tu pas responsable des douleurs qui t'accompagnent ?”

Je nourris peu d’espoirs, je n’affectionne pas particulièrement le chaos, mais la poursuite  d'un état qui emprunte à l’illusion comme à la destruction me pousse à me mettre en mouvement dans toutes sortes de directions parfois contradictoires. Lorsque j'avance sur un sol qui est trop stable, je cherche le marécage le plus proche. Cette sensation chérie existe dans le jeu, dans l'amour, dans l'art. Là où se situent le hasard et le désir, le gain et la perte.

La seconde avant un premier baiser, la découverte d'une œuvre d'art, l'étincelle au bout de mes doigts qui tiennent le ticket qui peut me changer en millionnaire. Je me demande parfois si j'ai vraiment besoin de passer de l'autre côté. Au risque de bousculer mon existence. Ou pire. Au risque de me retrouver face à une réalité inchangée avec pour seule compagnie cette même ritournelle.

« Es-tu heureuse ? As-tu déjà des regrets ? Pourrais-tu être une meilleure personne ? N'es-tu pas responsable des douleurs qui t'accompagnent ? »

L'infortune, souvent, escorte celleux qui aiment jouer. Pourtant, j'aimerais ressentir encore cette sensation de basculement alors que le trouble n'a pas encore fait sa place à une quelconque conséquence. Pendant quelques secondes, tous les chemins se matérialisent, ma vision se trouble de toutes les réalités surgies de cette sensation.

Je gratte un Astro sur un coin de table sous le soleil d'Avril.

La perspective de l'incertitude me pousse dans les retranchements les plus inconnus de mon âme. Je sillonne le trouble en traquant le basculement. Lorsque j'atteins le sable mouvant, je suis chez moi, pour quelques secondes, avant le rebond ou la déception. Avant de repartir en quête.

Alice Marie Martin, 2022



https://www.instagram.com/collectif_belledenuit/


Photos © Collectif Belle de Nuit & Galerie Tator