Clémence Rousseau


Résidence du 7 janv. au 30 mai  2025 

Clémence Rousseau est artiste performeuse. Au quotidien, elle part en quête de poésie au travers de ce qu’elle voit ou entend dans la rue ou lors de ses fréquents trajets en train... Elle construit des récits qu’elle livre par le biais de lectures performées ou de montages visuels et sonores.

Dans le cadre de cette résidence, elle a dessiné et écrit. Elle a augmenté son rouleau (ensemble de dessins réalisés au feutre sur un long rouleau de papier fin, à partir de photos prises sur son téléphone), qu’elle a déployé dans l’espace, pour la 1ère fois, à l’occasion de sa restitution, comme une longue frise à hauteur d’oeil, suggestive d’une ligne d’horizon. Lors des Open Studios, elle a proposé des lectures de ses textes en cours, évoquant des instants de vie que l’on retrouve au sein de ses dessins du rouleau sans fin. Pour sa restitution, elle a également créé un paysage de textes, accrochés en ligne au mur, faisant face à la ligne de dessins. 

Cette résidence lui a permis de renouer avec la plasticité de son travail et d’envisager sa pratique comme un triptyque : texte écouté / lu, texte imprimé / dessins. 



23/04/2025, Lyon.

Ext. Jour, La Factatory

Je veux aller là où il y a le patio bleu . Café allongé et sirop de menthe commandé au comptoir. Elle me demande si je veux aller dedans ou dehors et m’indique le patio,

l’entre-deux.
C’est le premier café de la journée.

Le sirop est transparent alors je choisis la table vert d’eau. Le patio est bleu parce que l’un mur des murs est bleu. La table vert d’eau est à ses côtés.

Il fait jour

Il fait tout juste jour, sans soleil mais je suis sous un parasol. Une rangée de spots allumés longe le haut du mur bleu. L’ombre de la main sur mon carnet est éclairée. En levant la tête je suis aveuglée mais pas par le soleil. Le parasol ne m’abrite pas de sa lumière. Le parasol cache les nuages qui eux-même cachent le soleil. Les spots sont comme des petits soleils qui tentent de prendre le relai.

La coupelle de la tasse est assez grande pour accueillir à la fois mon café et mon sirop de menthe. La tasse est sur le bord de la coupelle. Un triangle de ciel est dessiné par le parasol rouge et le mur bleu. La paille du sirop a tracé une ligne sur mon carnet, je n’en fais rien et je continue de tracer mes propres lignes en écrivant. Quand je n’écris pas la page de mon carnet se dirige vers le spot comme si elle voulait prendre le soleil.

J’ai orienté la tasse de façon à ce que son ombre tienne entièrement dans la coupelle.


16/08/2024, Lille entre le TGV numéro 5192 et le TGV numéro 5010. Une nuit sépare les TGV.

Après un passage furtif à l’hôtel près de la gare de Lille Flandres et un repas partagé, elle décide de sortir, seule. Elle l’avait à peine quittée qu’elle arrive à un endroit qui s’appelle gare Saint Sauveur.

Le TGV numéro 6602 part de nuit et arrive de jour. Il relie Lyon à Paris. C’est le train des chemises bleues ciel. Elles se réunissent autour d’un café au wagon bar qui se transforme en open space.

Aujourd’hui, un peu avant l’arrivée à Paris le train s’arrête. La fenêtre choisit d’encadrer une maison bleue. C’est une grosse maison, plus grande que les autres, on ne voit qu’elle dans le gris.

C’est une maison qui pourrait être un dessin, deux murs, une façade et un toit. BLUESPACE est écrit sur la façade, en un seul mot,  

l «e» est partagé entre le blue et l’espace.

Le concert est fini quand elle arrive mais pas la musique. DJs aux platines. Bière commandée au comptoir et à la musique métallique. Quand elle l’a dans les mains, c’est plutôt du rock alternatif. Elle se place en retrait par rapport à la piste de danse. La sensation de sortir seule lui rappelle celle de boire un café en terrasse sauf qu’il n’y a pas de tables, juste celle qui fait office de régie son et lumière. Au premier plan, un couple danse. Plus ils dansent, plus elle recule. C’est presque comme si elle dansait avec eux. Elle note quelques éléments dans la foule qu’elle voit apparaître et disparaître, dont un béret orange. Elle n’est pas dans l’attente, elle n’a pas l’ambition de sortir de la bulle d’observation qu’elle s’est créée. Vient l’heure de partir. Comme elle n’attendait pas, elle ne sait pas pourquoi c’est l’heure. Peut-être parce que la musique s’est arrêtée ou parce que les danseurs l’ont attirée si loin de la scène qu’elle a fini par quitter la salle.



Photos © Clémence Rousseau & Fabien Villon