“Back & Forth”
Lisa Duroux
Exposition du 5 mars au 2 avril 2021
Avec le soutien du Musée d’Art Contemporain de Lyon


En parallèle d’une résidence artistique d’un peu plus de de trois mois (15 janv. – 30 avril 2021), réalisée au laboratoire de création du Musée d’Art Contemporain de Lyon, l’artiste plasticienne Lisa Duroux, proposa d’imaginer une exposition évolutive d’un mois au sein de l’espace de la Galerie Tator. Sur un temps imparti court, l’artiste a produit plusieurs ensembles, issus de registres formels différents (assemblages, maquettes architectoniques, céramiques anthropomorphiques, ready-mades anti-formes...) et exploré divers systèmes d’accrochage (socle intégré à l’oeuvre, suspension, présentation au sol...), dans un souci permanent d’articulation et d’évolution (augmentation, soustraction, déplacement...). Tout au long de ce temps de diffusion et ce jusqu’au jour du finissage, Lisa Duroux a fait des allers-retours entre le lieu de création et celui de la monstration, afin de faire perdurer la phase exploratoire du processus de création et de questionner le concept même de l’exposition.

Lisa Duroux, diplômée de l’ENSBA (Lyon), réalise des assemblages sculpturaux en récupérant et s’appropriant divers objets et matières trouvés ou chinés dans son environnement proche. Ses volumes sont alors essentiellement constitués de ready-mades et de leurs fragments. Ses assemblages d’éléments hétérogènes, érigés en sculptures, peuvent figurer l’anthropomorphique comme évoquer des maquettes d’architecture utopiste (Yona Friedman, Pascal Hauserman…) ou moderniste (Mies Van Der Rohe). Elle pratique également la céramique et le dessin.

Dans la salle principale de la galerie Tator, Lisa Duroux présente plusieurs sculptures abouties, toutes autonomes, en suspension et sur socle, comme un jeu d’aller et retour entre l’échelle de la maquette, l’objet réel et le corps du spectateur. Les sculptures en suspension ont une présence sensuelle et dérangeante. De par leur échelle (humaine ou animale), leurs matériaux (organiques ou industriels) ainsi que leurs lignes (antiformes, ployant sous l’effet de la gravité), elles proposent un corps à corps frontal, tout en se déployant comme des dessins dans l’espace. Certaines sont constituées de fragments d’objets ornementaux qui renvoient à la statuaire ancienne évoquée à travers la présence d’images extraites des films de « La Jetée » de Chris Marker (1962) et de « L’année dernière à Marienbad » d’Alain Resnais (1961), au sein de ses maquettes sur socle.

En effet, les sculptures sur socle et tables du rez-de-chaussée et de la cave, associent l’image au volume, lui permettant des clins d’oeil cinématographiques et des jeux de mise-en-abime avec son propre travail (archives photographiques de précédentes oeuvres), toujours dans un jeu d’aller-retour spatial et temporel, résidant au coeur même de la narration des films cités plus haut. L’évocation de matériaux nobles et sophistiqués emblématiques de l’architecture moderniste est confrontée à des matières plus légères, voir aériennes, caractéristiques de l’architecture utopiste (grillage, colliers en plastique…), tout comme l’informe ou l’anti-forme des cordes et des rouleaux de revêtement de murs, viennent contrebalancer les lignes orthogonales et structurées des éléments en plexiglas ou plastique…

Le sas a été pensé comme un cabinet de dessins, où sont présentés un ensemble produit dans le cadre d’une résidence au Manoir de Mouthier à l’automne dernier, aux côtés des artistes plasticiens Sylvain Azam et Julien Tiberi, pour la réalisation d’une partition visuelle collective, qui sera interprétée lors d’une performance chantée avec le collectif d’artistes musiciens
« Shrouded Marmelade » au Mean, lieu d’art contemporain de St Nazaire. La pratique du dessin lui permet de revisiter ses sculptures en les animant par la suggestion du mouvement et du chant. Ces dessins contiennent également la dimension du grotesque, que l’on retrouve dans ses céramiques (intitulées à juste titre « Les Grotesques »). Ils sont à l’effigie d’un personnage alter-ego, dansant, chantant et jouant de la musique, se baladant dans l’imaginaire des assemblages maquettes.

L’espace du bas donne à voir des recherches en cours, des jeux de construction et d’assemblage, figurant des espaces ou évoquant des architectures, présentés horizontalement sur table. À nouveau dans un jeu de mise-en-abime, les volumes sont ici associés à une image de statues, se trouvant dans un jardin à la Française (Extrait de « L’année dernière à Marienbad »).
De par ses masses, ses pleins et ses vides, le jardin n’est-il pas un espace construit, au même titre qu’une maquette ? Le jardin serait alors la métaphore de ses assemblages. Enfin, des céramiques figuratives placées au sol et au mur, ré-introduisent une notion d’échelle au travers de la représentation fragmentaire du corps expressif et cartoonesque, rencontré plus tôt dans ses dessins.

« (...) D’autres images se présentent, se mêlent, dans un musée qui peut être celui de sa mémoire. Le 30ème jour, la rencontre a lieu. Cette fois il est sûr de la reconnaître. C’est d’ailleurs la seule chose dont il est sûr dans ce monde sans date, qui le bouleverse d’abord par sa richesse.
Autour de lui, des matériaux fabuleux, le verre, le plastique, le tissu éponge. Lorsqu’il sort de sa fascination, la femme a disparu.
Ceux qui mènent l’expérience resserrent leur contrôle, le relancent sur la piste. Le temps s’enroule à nouveau, l’instant repasse.
Cette fois il est prêt d’elle, il lui parle, elle l’accueille sans étonnement.
Ils sont sans souvenir, sans projet. Leur temps se construit simplement autour d’eux, avec pour seul repère, le goût du moment qu’ils vivent et les signes sur les murs.
Plus tard, ils sont dans un jardin, il se souvient qu’il existait des jardins (...). »

Extraits du court-métrage «La jetée», Chris Marker, 1962.

https://sites.google.com/site/lisaduroux/


Photos ©David Desaleux